Créé le 5 Décembre 2019 à la faveur du mouvement contre la réforme des retraites et dans le sillage d’Art en Grève, AEGO – Art en Grève Occitanie – réunit au niveau régional et au plus fort des mobilisations près de 1200 artistes, travailleu·r·se·s de l’art, professeur·e·s, étudiant·e·s en art. Nous menons ensemble une action pour la reconnaissance de la valeur du travail artistique, avec l’intention manifeste de faire vivre, au profit de tous, l’idée de culture et la nécessité de création.
VAINCRE L’ISOLEMENT
Nous souhaitons vaincre nos isolements respectifs, inventer et promouvoir de nouvelles solidarités pour rompre avec l’individualisme forcené qui caractérisait l’activité artistique à l’ère libérale. Nous entendons le faire en renouant avec l’aventure collective, en faisant jouer les complémentarités. Nous voulons pleinement prendre en charge ces retrouvailles.
DÉFENDRE LA PLACE LÉGITIME DES ARTISTES DANS LA CITÉ
Il s’agit en premier lieu de dénoncer la situation qui nous expose, de par l’absence remarquable d’un statut digne de ce nom, à une précarité endémique et une profonde crise de légitimité. Ce qui est en jeu ici, c’est la place qui nous est accordée dans la cité, la possibilité d’être, rester, ou devenir artistes. Cette question met en lumière des interrogations plus profondes encore, en ce qu’elles touchent au sens même de la vie, portant sur la valeur accordée à tout ce qui résiste aux logiques de marchandisation, de concurrence et de profit.
CONSOLIDER LA COMMUNAUTÉ ARTISTIQUE
Il y a une communauté de vision et d’intérêts qui nous unit. Artistes, travailleu·se·s de l’art et structures (lieux de production de diffusion et de transmission de l’art), nous partageons les mêmes rêves et les mêmes impatiences. Le « monde de l’art » et celui des artistes ne sont pas éloignés au point de pouvoir s’ignorer ou se combattre. Leurs destins sont aujourd’hui liés. Mais si la lutte est commune, elle commence nécessairement par l’amélioration des conditions de vie des artistes. Comme l’a démontré notre action aux Abattoirs le 24 Janvier 2020, les artistes sont aussi le public. Ils soutiennent l’activité des lieux.
PENSER LA VALEUR NOUVELLE
La question de la valeur du travail artistique nous apparaît donc comme centrale. Une partie de notre activité s’oriente vers la production d’idées, sur la base de partenariats engagés entre artistes, travailleu·r·se·s de l’art et lieux de la vie artistique commune.
NOTRE MODE DE FONCTIONNEMENT
Nous fonctionnons sur le mode de l’auto-organisation, de façon horizontale. Des groupes de travail autonomes (statut de l’artiste, solidarité & entraide, travailleu·r·se·s de l’art, étudiant·e·s et professeur·e·s d’art) sont constitués et se réunissent selon la disponibilité de chacun. Chaque groupe rend compte de ses propositions en réunion de coordination, ce qui constitue une aide aux décisions collectives, lesquelles sont synthétisées et rapportées dans un compte-rendu diffusé à notre mailing list. Toutes les décisions sont prises à part égale entre les présent·e·s. Un comité de liaison nous permet, qui s’est constitué lors des temps de confinements et de restrictions physiques, de maintenir la vie du groupe en développant des idées, des actions, des manières de penser et de faire, avec la mission de préserver toutes les potentialités du mouvement des artistes.
NOTRE IDENTITÉ VISUELLE
Dès le 5 Décembre 2019, nous avons travaillé sur une cohérence visuelle pour nos actions. Nous avons eu connaissance, par un ami, d’une performance d’Alexis Debeuf, qui avait transformé des couvertures de survie en drapeaux. Les artistes de Caen s’en étaient emparés à plusieurs reprises pour mettre en lumière leur situation de précarité. Ce drapeau readymade, nous l’avons appelé « readyflag ». Il est d’or et d’argent, de chaud et de froid. Il bruisse et brille de mille feux et nous a rendu·e·s visibles. Il exprime et sublime à la fois ce combat quotidien que nous menons pour ne pas être éjectés de la sphère sociale. Il concrétise notre désir de conquérir un statut, de défendre la liberté de création, l’accès à la culture et à l’éducation artistique et surtout de lutter contre la précarité. De fait, à travers nos engagements, nous développons, au cœur de la cité, des modalités d’existence, des valeurs, des usages qui nous placent au croisement de problématiques comme celle de la valeur, liées à de possibles changements de société. Notre culture des formes, parmi les inutilités et autres fragilités « inessentielles » de ce temps, pourrait bien s’avérer indispensable quand il s’agira d’inventer d’autres possibilités de vie.
LES ARTISTES SONT DES TRAVAILLEU·R·SE·S COMME LES AUTRES !
Face à ce sentiment d’illégitimité qui nous gagne parfois, nous nous devons d’avoir un regard lucide sur notre condition. Nous devons rompre avec les ambiguïtés qui relèvent du mythe de l’artiste, de son nomadisme social, de son imaginaire bourgeois, du modèle libéral de l’auto-entrepreneur, qui a notoirement échoué à prendre en charge cette foisonnante activité artistique résistant plus que jamais aux catégories ordinaires et réductrices du commerce et de la marchandise. L’art doit rester libre. Il ne peut dépendre d’aucun modèle. Nous avons fait le choix au début de notre jeune existence en tant que mouvement, de diffuser un tract qui avait le mérite de poser le problème en des termes particulièrement clairs : L’artiste est un·e travailleu·r·se·s comme les autres. C’est encore vrai. Nous sommes attachés à cette formulation, parce qu’elle relève, d’une certaine manière, d’un principe de réalité, sans lequel rien de tangible ne peut être entrepris. Ce n’est pas un déclassement. C’est une fierté. Le devenir artiste doit redevenir désirable, matériellement et socialement possible, encouragé, soutenu. Etre, rester, devenir artiste ne doit pas être un choix ou une nécessité qui nous exclue. Nous sommes à l’école de nos pratiques, que nous soyons diplômés ou non, reconnus ou non, achetés ou non. Nous agissons dans la cité, parmi les citoyens, en nourrissant les imaginaires et les consciences. Nous participons de la civilisation et du combat obstinément reconduit de l’émancipation.
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