SOUTIEN AUX EXPULSÉ·E·S DU THÉÂTRE DE LA CITÉ.

Nous tenons à exprimer notre total soutien à nos camarades expulsé·e·s du Théâtre de la Cité, à Toulouse, ce Mercredi 12 Mai 2021, à 7H00, sans préavis. ART EN GRÈVE OCCITANIE avait rejoint l’occupation du Théâtre le 2 Avril dernier, dans un esprit de convergence, parce que la précarité endémique à laquelle nous sommes nous-mêmes confronté·e·s en tant que travailleu·r·se·s de l’art (Artistes-auteur·e·s, plasticien·ne·s, peintres, sculpteur·trices, performeurs·euses, photographes, vidéastes, monteu·r·se·s, régiss·eu·r·se·s, technicien·ne·s, médiateurs·trices, curateurs·trices, théoricien·ne·s, chercheu·r·se·s, chargé·e·s de projets, graphistes, formateurs·trices, étudiant·e·s et professeur·e·s d’art) a pris, à l’occasion de la crise sanitaire, une tournure de plus en plus insurmontable, plaçant un nombre croissant d’entre nous dans une logique de survie.

Nous avons rejoint cette lutte, parce que c’est aussi la nôtre. Nous défendons conjointement un modèle de solidarité interprofessionnelle telle que la sécurité sociale et l’assurance-chômage ont été initialement conçues : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Dans notre cas, nous ne bénéficions d’aucun droit. Nous ne sommes pas intermittent·e·s. Il s’agit pour nous d’accéder à un statut, de faire reconnaître la valeur du travail artistique, qui échappe parfois, à l’instar de l’engagement associatif, aux logiques marchandes. Non, tout ne s’achète pas. La culture, la création, la pensée doivent être protégées de cette marchandisation obsessionnelle à laquelle la société de consommation nous confronte jusqu’à l’absurde épuisement de toutes nos ressources. La culture, selon cette logique implacable, est réduite au divertissement ; la création – à la récréation ; la pensée – au bruit médiatique. La conscience critique a été abaissée au profit de la confusion générale, pour ne plus autoriser qu’une adhésion muette et résignée à l’avènement du pire. 

Nous identifions, à travers la politique qui désigne comme inessentiel·le·s nos lieux de diffusion, nos métiers, nos productions, nos existences mêmes, une entreprise de destruction de la culture sans précédent, à laquelle aucune réouverture de lieu culturel ne saurait durablement répondre. Une fois de plus, les petits seront sacrifiés aux grands, parce que dans la nouvelle doxa du libéralisme, à laquelle nous nous opposons résolument, les aides ne doivent surtout pas aller à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Ils parlent d’aides. Nous parlons, nous, de travail. Nous ne voulons pas être aidé·e·s. Nous voulons être reconnu·e·s dans nos droits, en tant que travailleu·r·se·s. Nous voulons que nous soit garantie, à ce titre, une vie décente. Il faut remettre du désir dans le devenir artiste, au lieu d’assécher la filière, en nous exposant à une condition misérable, en nous soumettant à l’injonction de changer de métier, pour devenir « productifs » selon des critères qui ne sont pas les nôtres. La valeur du travail artistique est souvent différée, parce qu’il faut le recul du temps pour pouvoir lui donner tout son prix. Est-il normal que la société entière s’en nourrisse, sans que jamais nous ne soyons nous-mêmes protégé·e·s ? Pourquoi devrions-nous porter toujours seul·e·s le risque de la création, de la recherche ? Pourquoi devrions-nous constamment apporter la preuve de notre utilité sociale, alors que nous sommes déjà présent·e·s sur tous les terrains : écoles, hôpitaux, centre culturels, ruralité, quartiers prioritaires, prisons, maisons de retraites, lieux de transmission et d’expérimentation ?

L’occupation d’un théâtre, dans ce contexte, ce n’est pas un choix, mais une nécessité si nous voulons nous faire entendre. Cette nécessité répond elle-même à un besoin que la Cité ne satisfait plus : L’Agora. Cela mérite autre chose qu’une expulsion, pour qui s’intéresse véritablement à la chose publique et à la place que peuvent occuper la culture et les artistes dans notre société.

Nous reconnaissons en nos camarades expulsé·e·s du TdC, des citoyens remarquables, dignes, engagé·e·s, responsables. Le mépris qui leur est opposé par les expulseurs n’est pas digne d’une démocratie. Il ne répond pas même à cette nécessité vitale de conserver une part active d’humanisme et d’intelligence sociale pour inventer des possibles. La politique, ce n’est pas fermer des portes. C’est les ouvrir. C’est prendre en considération l’autre, l’écouter, construire quelque chose en commun. Cette impuissance à partager la chose commune est de plus en plus problématique, car elle est l’expression continue d’un mépris de classe qui ne vise qu’à produire de la désillusion, du découragement, de la démotivation, du désengagement et finalement, de l’abstention. Messieurs les expulseurs, pensez-vous sincèrement que vous ayez à y gagner quelque chose ? Vous dansez sur des ruines. Cette lutte est juste et profondément respectable et vous vous honoreriez à plus d’attention à l’égard de celles et ceux qui n’ont pas d’autre choix que de la porter, n’ayant plus, contrairement à vous, le loisir de se satisfaire de leur condition présente.

Notre cœur et notre raison nous poussent donc aujourd’hui à recommander nos camarades expulsé·e·s du TdC à tous les citoyen·ne·s de cette ville de Toulouse. Rejoignez-les. Soutenez-les. Aimez-les pour leur courage, leur dignité et leur générosité dans la lutte. Nous, ART EN GRÈVE OCCITANIE, nous leur renouvelons notre confiance, notre amitié, notre solidarité et nous les remercions pour cette énergie qu’ils·elles déploient avec autant de constance. Ils·elles sont pour nous autant d’exemples à suivre. 

Toulouse, Mercredi 12 Mai 2021
ART EN GRÈVE OCCITANIE

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